Le contexte actuel ne prête pas longue vie à l'assujettissement des non-résidents aux prélèvements sociaux en France.
La plus haute juridiction européenne a en effet jugé qu'il est incompatible avec les règlements communautaires portant coordination des systèmes de sécurité sociale (n°883/2004) d'assujettir des non-résidents aux prélèvements sociaux en France s'ils cotisent déjà auprès d'un autre Etat membre à un système d'assurance sociale (Cour de Justice de l'Union européenne, affaire C-623/12, De Ruyter, 26/02/2015).
Nous rappellerons que les prélèvements sociaux s'entendent d'un ensemble de 5 prélèvements (CSG, CRDS, prélèvement social et sa contribution additionnelle et prélèvement de solidarité) dont le taux global est aujourd'hui fixé à 15,5%.
Les non-résidents y sont assujettis depuis 2012 à la fois sur leurs revenus fonciers et sur leurs plus-values immobilières de source française.
Dans un communiqué de presse rendu public le jour de l'arrêt De Ruyter, le Gouvernement avait indiqué qu'il prenait acte de la décision de la Cour de Justice de l'Union européenne et attendait la décision du Conseil d'Etat sur cette même affaire pour "le cas échéant, (...) prendre les dispositions éventuellement nécessaires".
Les demandes de remboursement vont ainsi bon train depuis le début de l'année 2015, et nous pensions que la suppression de ces prélèvements pour les non-résidents était imminente puisque le Conseil d'Etat a bien confirmé la position de la CJUE.
- Conseil d'Etat, 10e et 9e ssr, n°334551 lecture du 27/07/2015
- Conseil d'Etat, 3e et 8e ssr, n°365511 lecture du 17/04/2015
Il est désormais clairement interdit de faire supporter les prélèvements sociaux aux non-résidents dès lors qu'ils participent déjà au financement de la sécurité sociale dans un autre Etat membre et que leur imposition en France ne leur ouvre aucun droit à prestation de la part de l'assurance sociale française.
Pourtant, nous venons d'apprendre que le Gouvernement aurait trouvé la parade pour maintenir cette imposition déclarée illégale...
Rappelons que le grief retenu contre l'Etat français réside dans le fait que les prélèvements sociaux sont affectés au financement de la protection sociale (régime général de la Sécurité sociale) et présentent de ce fait la nature de "cotisation sociale". C'est donc l'utilisation de cette recette qui la rend incompatible avec le droit communautaire.
La solution qu'aurait trouvée le Gouvernement serait tout simplement d'affecter ces prélèvements au Fonds de Solidarité Vieillesse (FSV) qui participe notamment au financement du minimum vieillesse (Sources : Les Echos et Le Figaro du 18 septembre 2015).
Les prélèvements perdraient ainsi leur caractère de "cotisation sociale" et redeviendraient des "impôts" ne relevant pas du Règlement communautaire n°883/2004.
Le tour est ainsi joué... Du moins en théorie, et jusqu'à ce que ce tour de passe-passe soit officialisé dans le projet de loi de financement de la Sécurité Sociale pour 2016 dont la divulgation est attendue le 24 septembre prochain.
Il n'est pas non plus certain que cette solution sera compatible avec les "prestations spéciales en espèces à caractère non contributif" (telles qu'un minimum vieillesse) qui entrent dans le champ d'application de l'article 70 du même Règlement communautaire.
Enfin, elle ne privera pas les contribuables de leur droit de réclamer le remboursement des prélèvements acquittés depuis l'imposition des revenus fonciers et plus-values immobilières depuis 2012.
Espérons que dans un souci de sécurité juridique et d'égalité devant l'impôt, la solution retenue par le Gouvernement (quelle qu'elle soit) aille vers plus de stabilité. Investir dans l'immobilier est un choix à long terme dont la rentabilité ne peut être malmenée au gré du vent et des contentieux.