Les lois de finances adoptées fin 2015 contiennent un certain nombre de mesures impactant la fiscalité applicable aux non-résidents (1).
Ces mesures s'inscrivent d'une part dans la mise en conformité du droit français avec une jurisprudence communautaire toujours plus restrictive en matière de liberté des Etats en matière fiscale, et d'autre part, dans un soucis de rationalisation de la procédure d'établissement de l'impôt.
La mesure la plus attendue concerne bien évidemment les prélèvements sociaux applicables aux revenus des patrimoine des non-résidents (CSG, CRDS, ... sur les revenus fonciers et plus-values immobilières de source française).
D'autres mesures de moindre importance portent sur les points suivants :
- la déclaration des revenus en ligne devient progressivement obligatoire
- de même que l'obligation de paiement de l'impôt perçu par voie de rôle par un moyen dématérialisé
- la taxation sur 3 fois la valeur locative de l'habitation située en France est supprimée
- le taux minimum d'imposition (20%) avec un assouplissement des modalités déclaratives
Nous vous proposons un focus sur ces nouvelles mesures.
1. LA DECLARATION EN LIGNE DEVIENT OBLIGATOIRE
Simple faculté aujourd'hui, la souscription par voie électronique de la déclaration d'ensemble des revenus (imprimé n°2042) et de ses annexes est rendues progressivement obligatoires pour les particuliers (CGI, art. 1649 quater B quinquies).
Cette obligation concerne les personnes qui disposent d'un accès internet au lieu de leur résidence principale.
A défaut de précision, cette nouvelle obligation devrait concerner les non-résidents.
Il est possible de se soustraire à cette obligation pour les personnes qui ne seraient pas suffisamment familières avec cet outil (notamment pour les personnes âgées). Il faudra en ce cas l'indiquer sur la déclaration de revenus elle-même.
La télédéclaration concerne donc la déclaration d'ensemble des revenus des non-résidents (imprimé 2042) mais aussi ses annexes telles que la déclaration de revenus fonciers (imprimé 2044).
Mise en place progressive de 2016 à 2018 en fonction du revenu fiscal de référence
L'obligation de télédéclaration s'imposera progressivement aux contribuables à partir de 2016 en fonction du revenu fiscal de référence ("RFR") (lequel figure sur l'avis d'imposition à l'impôt sur le revenu).
Année de déclaration | Millésime du RFR | Montant du RFR |
2016 | 2014 | > 40.000 € |
2017 | 2015 | > 28.000 € |
2018 | 2016 | > 15.000 € |
2019 | 2017 | 0 € |
► Le non-respect de cette obligation entraîne l'application d'une amende de 15 € par déclaration ou annexe, à compter de la 2e année d'infraction.
2. OBLIGATION DE PAYER EN LIGNE L'IMPOT SUR ROLE
Le paiement de la plupart des impôts par un moyen dématérialisé devient la règle à compter du 1er janvier 2016.
- Cette obligation concerne les impôts et taxes recouvrées par voie de rôle
Impôt sur le revenu
Prélèvements sociaux recouvrés avec l'impôt sur le revenu
Taxe d'habitation
Contribution à l'audiovisuel public
Taxes foncières
ISF recouvré par voie de rôle (concerne les patrimoines compris entre 1.300.000 € et 2.570.000 € dont on le rappelle, la déclaration se fait sur la déclaration de revenus n°2042 elle-même et non sur la déclaration spécifique d'ISF).
La mesure s'applique à la fois aux acomptes et aux soldes d'impôt.
- Pour le règlement d'impositions dont le montant excède un certain seuil
En 2016, le seuil de règlement obligatoire par un moyen dématérialisé est abaissé à 10.000 € (contre 30.000 € en 2015).
Il sera progressivement réduit jusqu'en 2019 :
Année | Seuil |
2016 | 10.000 € |
2017 | 2.000 € |
2018 | 1.000 € |
2019 | 300 € |
Cette mesure pourrait donc concerner pour la première fois le premier acompte d'impôt sur le revenu payable pour le 15 février 2016, pour autant que cet acompte dépasse le seuil de 10.000 €.
- Les modes de règlement dématérialisés devenant obligatoires
Les modes de règlement désormais obligatoires dans les cas visés plus haut sont :
- le prélèvement mensuel ou à l'échéance,
- ou le télérèglement.
Ceux-ci sont gérés par le contribuable depuis le site www.impots.gouv.fr dans son Espace personnel.
► En cas de non-respect de cette obligation, le contribuable encourt une amende de 0,2% des sommes avec un minimum de perception de 15 €.
3. SUPPRESSION DE LA TAXATION DES NON-RESIDENTS SUR LA VALEUR LOCATIVE DE LEUR HABITATION EN FRANCE
Les personnes physiques non-résidentes, à défaut de disposer de revenus imposables en France, se voyaient imposées sur la valeur locative des habitations qu'elles détenaient en France en vertu de l'article 164 C du Code Général des Impôts.
Cette mesure aboutissait à taxer un revenu fictif égal à trois fois la valeur locative de ces biens immobiliers situés en France.
Elle était depuis de nombreuses années quasiment vidée de sa substance en raison des exceptions qui étaient par ailleurs prévues par le texte.
Au final, ce dispositif ne concernait que 114 contribuables pour un rendement fiscal de 86.000 €.
Cette mesure est définitivement supprimée à compter de 2016. Il convenait en effet de tirer les conséquences de la jurisprudence communautaire et française qui avait condamné ce dispositif au motif qu'il était contraire à la liberté de circulation des capitaux garantie par le droit communautaire. |
4. PRELEVEMENTS SOCIAUX SUR LES REVENUS DU PATRIMOINE DES NON-RESIDENTS
Les non-résidents sont assujettis depuis 2012 aux prélèvements sociaux en France (CSG, CRDS, prélèvement social, contribution additionnelle à celui-ci, prélèvement de solidarité - 15,5%) sur leurs revenus fonciers et leurs plus-values immobilières de source française.
L'année 2015 a été forte en rebondissements sur ce sujet puisque la Cour de Justice de l'Union européenne, par un arrêt en date du 26 février 2015 (De Ruyter, aff. C623/13), a condamné la France au motif que l'assujettissement des non-résidents aux prélèvements sociaux était contraire au Règlement communautaire portant coordination des systèmes de protection sociale (en dernier lieu, Règlement n°883/2004 du 29 avril 2004).
Ce règlement prévoit en effet un principe d'unicité de législation sociale et interdit, en principe, qu'une personne cotise dans plusieurs Etats.
Les prélèvements sociaux étant affectés au financement du système de Sécurité sociale français, sans ouverture par ailleurs à aucun droit à prestation pour les non-résidents, il était illégal de les taxer en France à ce titre.
Les non-résidents ont ainsi pu réclamer, dans les limites de la prescription fiscale, le remboursement des prélèvements sociaux acquittés depuis 2012.
Consultez nos articles sur ce sujet :
- CSG, CRDS sur les non-résidents : Bercy confirme le remboursement mais uniquement jusqu'en 2015
- Remboursement des prélèvements sociaux aux non-résidents : Communiqué de presse du 20 octobre 2015 de la DGFIP
La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016 met, semble t'il, un point final aux critiques avancées par la CJUE en modifiant l'affectation des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine à compter du 1er janvier 2016.
Le taux et les conditions d'application des prélèvements sociaux restent en revanche inchangés.
Les revenus imposables au titre de 2015 (qui seront déclarés en 2016) et les plus-values immobilières dont le fait générateur intervient à compter du 1er janvier 2016 seront donc assujettis aux prélèvements sociaux. |
5. TAUX MINIMUM D'IMPOSITION DES NON-RESIDENTS
Les non-résidents imposables en France sont en principe assujettis aux règles de calcul de l'impôt français dans les mêmes conditions qu'un résident français.
Toutefois, l'article 197 A du Code Général des Impôt prévoit que leur taux d'imposition ne peut être inférieur à 20% (ou 14,4% pour les revenus ayant leur source dans les DOM), sauf si l'intéressé établit que le taux moyen correspondant à l'imposition de l'ensemble de ses revenus français et étrangers serait plus faible que ce taux minimum.
Le non-résident doit ainsi faire la démonstration que s'il avait été imposé en France sur l'ensemble de ses revenus mondiaux, après prise en compte de son quotient familial notamment, le taux de son impôt s'établirait à un taux inférieur à 20%.
Ce taux est alors substitué au taux minimum de 20%.
La difficulté tenait jusqu'à maintenant à faire cette démonstration lors du dépôt de la déclaration de revenus. Bien souvent, compte tenu du nombre et de la nature des informations et pièces justificatives demandées par l'administration fiscale, le contribuable ne pouvait que demander, par voie de réclamation, postérieurement au dépôt de sa déclaration de revenu (et au paiement de l'impôt recouvré au taux de 20%) le remboursement du trop-perçu.
A compter de 2016, la procédure sera simplifiée.
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1) Loi de finances pour 2016, n°2015-1785 du 29 décembre 2015 (JO du 30/12/2015)
Loi de finances rectificative pour 2015, n°2015-1796 du 29 décembre 2015 (JO du 30/12/2015)
Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016, n°2015-1702 du 21 décembre 2015 (JO du 22/12/2015)